Changer les mentalités concernant l’éducation des filles

À la fin de l’année dernière, Paul Yaya Traoré songeait à donner sa fille en mariage.
« J’attendais juste les congés du Nouvel An pour célébrer le mariage, » a-t-il déclaré à un radiodiffuseur de Radio Moutian, une station de la région de Ségou, au Mali.
Paul vit à Lenekuy, une localité située dans la même région, près de la frontière du Burkina Faso, à environ 500 kilomètres à l’est de Bamako, la capitale. Dans cette région, pour les filles qui sont en classe de troisième, et qui ont environ 14 ou 15 ans, il n’est pas rare de voir leurs familles vouloir les marier.
Cependant, les émissions radiophoniques sont en train de changer la donne.
Après avoir écouté des émissions radiophoniques sur l’importance de l’éducation des filles, Paul a fait volte-face.
« Ces conseils m’ont fait réfléchir beaucoup. Tout de suite, je me suis entretenu avec ma femme pour lui expliquer l’erreur qu’on va commettre en donnant notre fille en mariage. Finalement, nous avons décidé qu’elle finisse ses études avant de la donner en mariage. »
Paul n’est pas le seul à changer d’avis.
Obstacles à l’éducation des filles au Mali
Depuis le coup d’État de 2012, le Mali, un pays ouest-africain, est en proie à un conflit et une insécurité permanents, une triste réalité vécue par trop de régions du monde en 2022.
Mais les Malien.ne.s ne laissent pas le conflit les empêcher d’imaginer un avenir meilleur pour leur jeunesse.
« Les communautés sont au cœur du processus décisionnel. »
Malamine Traoré, Représentant de Radios Rurales Internationales au Mali
Si elle a connu les améliorations récentes, l’éducation a énormément souffert depuis 2012. Les déplacements et les fermetures d’établissements scolaires empêchent les enfants d’aller à l’école. En effet, au Mali, plus de la moitié des jeunes ne savent ni lire ni écrire, et deux millions d’enfants d’âge scolaire n’étaient pas inscrits. Lorsqu’elles atteignent le secondaire, seuls 37 % des filles sont scolarisées.
Pourtant, le Mali est un pays qui a une forte tradition d’éducation. On y trouve une de plus vieilles universités du monde, dont la création remonte aux années 1100.
Toutefois, l’insécurité et les pratiques culturelles entravent le chemin aux filles qui essaient de terminer leurs études.
En partenariat avec Alinea et un consortium d’autres ONG, nous travaillons à renforcer les systèmes scolaires et à les rendre plus accueillants pour les femmes. À cet effet, Radios Rurales Internationales développe des émissions radiophoniques qui touchent au cœur de la question, à savoir pourquoi tout d’abord les filles ne vont pas à l’école.
Communautés et radio : la clé pour un changement de mentalité

« Les communautés sont au cœur du processus décisionnel, » déclare le représentant de Radios Rurales Internationales au Mali, Malamine Traoré. Selon des membres de la communauté, le mariage précoce, la violence fondée sur le genre et les mentalités concernant le genre sont tous des raisons de la non scolarisation les filles.
Par conséquent, des émissions radiophoniques diffusées par huit stations, et qui parviennent jusqu’à Tombouctou, suscitent des discussions sur le genre, l’école et les avantages de l’école pour les garçons et les filles.
Et ça fonctionne. Des familles comme celle de Paul prennent des décisions différentes pour leurs filles.
Kadidia Sogoba est une mère de trois enfants de Tominian, au Mali. Elle écoute les émissions sur Radio Moutian avec un groupe d’écoute communautaire formé d’autres personnes de sa localité, et elle appelle très souvent durant les émissions.
À ses dires, les émissions suscitent également des discussions entre son mari et elle.
« Avant les émissions, mon mari s’intéressait peu à la scolarisation de nos enfants, en particulier notre fille Cécile. J’étais la seule à faire face aux besoins scolaires de mes enfants, » a-t-elle déclaré. Maintenant, dit-elle, son mari participe activement à l’éducation de leurs enfants.
« Ce projet de communication radiophonique a été une bonne chose pour nous et nos enfants. Il nous accompagne dans des bonnes directions et nous fait comprendre l’importance de l’école, en général, et celle des filles, en particulier. »
C’est un résultat que nous observons à travers le pays.
Le projet DÉFI fait la différence
« Après deux ans de mise en œuvre, nous pouvons dire avec certitude que le projet DÉFI contribue considérablement à l’amélioration de la scolarisation et l’assiduité scolaire des filles, » déclare Malamine. « Il est important de souligner que notre émission radiophonique sensible aux genres est au cœur de cet important changement. »
Pour Aminata Diallo Traoré (qui n’est pas parenté à Paul), une mère de Drimbé, au nord du Mali, qui écoute les émissions sur Daande Dewansa Radio, il est clair que c’est vrai.
« L’importance de votre émission radiophonique est considérable en cette période de crise et d’insécurité, notamment les informations concernant l’éducation de nos enfants et la façon de soutenir un enfant à l’école. Nous apprécions vos émissions radiophoniques qui nous aident dans nos activités quotidiennes. Nous voulons qu’elles continuent. »
Et une meilleure éducation ne peut signifier qu’une chose : un meilleur avenir.
Photo du haut : La famille Traoré, avec l’aimable autorisation de Radio Moutian
Deuxième photo : Kadidia Sogoba interviewée par un animateur de Radio Moutian.
À propos du projet Le projet quinquennal « Défi éducation des filles au Mali » (DÉFI) vise à améliorer l’accessibilité et la qualité de l’éducation pour les filles des communautés touchées par les conflits au Mali. Radios Rurales Internationales travaille en partenariat avec Alinea International, en vue de réduire les obstacles à l’éducation grâce au financement du gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.